Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/66

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corps cette fois et servant de texte au discours paternel, m’avait ému et troublé. Ma confusion parut amuser mon père.

« Voyons, Paul, d’où vient cette rougeur ? Mes plans ont-ils le bonheur de te paraître acceptables ? »

Je pris rapidement mon parti, sachant que mon interlocuteur n’aimait guère les indécisions.

« En supposant que j’eusse du goût pour Phillis, lut dis-je sans hésiter, elle n’en aurait aucun pour moi. Je l’aime autant qu’on peut aimer une sœur, et je crois qu’elle m’aime aussi comme un frère… mais comme un frère cadet. »

La physionomie de mon père s’attrista un peu.

« Voyez d’ailleurs vous-même, continuai-je, combien cette jeune fille est peu femme, quelle intelligence sérieuse ! Pensez qu’elle sait le latin, qu’elle étudie le grec.

— Avec une maison pleine d’enfants, elle oublierait bien vite tout cela.

— Je veux être estimé, respecté de ma femme, et…

— Tu le seras, enfant, tu le seras, interrompit mon père, qui ne renonçait pas facilement à ses idées. Crois-tu donc qu’une femme mesure son estime à l’érudition de son mari ? Eh non certes non ! c’est à autre chose… Je ne sais comment cela s’appelle… Quand elle le voit résolu, de bon conseil, loyal, dévoué… Tout cela, tu le serais, mon garçon.

— Puis, objectai-je, m’entêtant à mon tour, je ne voudrais pas une femme plus grande que moi.

— Belle objection, quand il s’agit d’une si charmante fille ! On t’en donnera, des cheveux pareils, une si noble prestance, des yeux… des yeux qui vous lisent dans l’âme, une blancheur de lait, une bouche…

— Eh ! là, là, de qui parlez-vous donc avec cette ardeur singulière ? » s’écria M. Holdsworth, qui venait d’en-