Page:Gaskell - Cousine Phillis.djvu/89

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cessera pas de sitôt, le temps est trop pris. Mieux vaut donc que je coure à la maison, d’où je vous rapporterai quelques manteaux ; les parapluies ne valent rien quand il tonne. »

Nous insistâmes en vain, Holdsworth et moi, pour que l’un ou l’autre fût chargé de cette mission, et de fait il eût mieux valu que le jeune ingénieur, mouillé comme il l’était, se réchauffât en courant.

Le ministre parti, Phillis put avancer d’un pas et jeter les yeux sur la lande inondée. Plusieurs des instruments de Holdsworth étaient restés exposés à la pluie, qui tombait toujours avec la même violence. Avant que nous eussions pu nous douter de ce qu’elle allait faire, l’enfant s’élança de son refuge, alla recueillir ces divers objets, et les rapporta triomphante vers notre insuffisante retraite. Holdsworth, qui venait de se relever, semblait se demander encore s’il devait l’aider ou non, lorsqu’elle revint tout courant, ses beaux cheveux collés sur les tempes, le regard étincelant de joie, les joues animées par cette course rapide.

« Voilà ce que j’appelle un coup de tête, s’écria Holdsworth au moment où elle lui remit les diverses pièces de son butin… Vous croyez peut-être que je vais vous remercier (ses regards la remerciaient de reste)… Vous vous trompez, miss Holman. Je sais bien, allez, ce que tout cela signifie. Ces gouttes d’eau que j’ai reçues, selon vous, à votre service, vous pesaient quelque peu sur le cœur… Et vous avez voulu vous débarrasser d’une reconnaissance importune en affrontant, pour mon compte, les mêmes inconvénients !… En bien ! mademoiselle, je suis bien aise de vous le dire, cet esprit de vengeance n’est pas chrétien… »

Pour une personne du monde, le badinage qu’il employait ainsi, — c’est, je crois, le mot dont on se sert en