Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/19

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

« Je vous aiderai à bien choisir, » continua-t-il plus officieux que jamais. »

Sylvia, pourtant, sans avoir l’air de prendre garde à lui, faisait semblant de compter une monnaie quelconque.

« Voyons, que désirez-vous, Sylvie ? lui demanda-t-il à la fin, contrarié de ce long silence.

— Je désire, mon nom étant Sylvia, qu’on ne m’appelle pas Sylvie, et, puisque vous voulez absolument le savoir, je suis venue chercher de la tiretaine pour un manteau. »

Hester rentrait à l’instant même avec un apprenti qui l’aidait à traîner quelques pesants rouleaux de drap écarlate et gris.

« Pas celui-là, dit Philip, écartant du pied la tiretaine rouge et s’adressant au petit garçon… N’est-ce pas, Sylvie, c’est le gris que vous voulez ?… »

Il donnait ainsi à sa cousine, oubliant ce qu’elle venait de lui dire, le nom qui convenait à leur intimité familière. C’était à coup sûr sans malice, mais elle n’en fut pas moins très-piquée.

« C’est l’étoffe rouge que je veux, miss… Dites, s’il vous plaît, qu’on ne l’emporte pas ! »

Hester les regardait tour à tour au visage, se demandant avec quelque surprise ce qu’ils pouvaient être l’un à l’autre. Cette fillette dont elle venait d’admirer le joli visage, serait-ce donc la « belle petite cousine », dont Philip avait souvent parlé à sa mère comme d’une enfant gâtée, ignorante au delà du possible, une adorable niaise, et ainsi de suite ? D’après ces propos, Hester s’était imaginée Sylvia Robson fort différente de ce qu’elle la voyait aujourd’hui : plus jeune d’abord, mais aussi bien moins intelligente, bien moins attrayante, — nonobstant la bouderie passagère qui altérait en ce moment l’expression naturellement gracieuse de son