Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/20

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aimable physionomie. Sylvia, cependant, avait repoussé l’étoffe grise, et s’absorbait dans la contemplation de la tiretaine écarlate.

Philip Hepburn n’avait pas vu sans quelque mécontentement l’effet produit par ses charitables conseils ; il n’en revint pas moins à la charge.

« Voici, disait-il, un article excellent, qui ne crève pas les yeux comme l’autre, et qui s’assortit à n’importe quelle couleur… Vous n’irez pas prendre cette étoffe, sur laquelle la moindre goutte d’eau ferait tache.

— Je ne croyais pas qu’on vendît ici des tissus si mauvais teint, » répondit Sylvia profitant des avantages qu’on lui laissait, et se relâchant, — le moins possible il est vrai, — de sa gravité d’emprunt.

Hester vint à la rescousse.

« Ce qu’on veut dire, reprit-elle, c’est que ce drap ne conservera pas son premier lustre s’il vient à être mouillé ; mais ce n’en est pas moins un article solide et susceptible de faire bon usage. M. Foster, sans cela, ne le recevrait pas dans ses magasins… Maintenant, reprit Hester, l’étoffe grise est un peu plus serrée et durerait, je crois, plus longtemps.

— Peu m’importe, répliqua Sylvia repoussant avec obstination ce gris sans éclat… Celle-ci me plaît davantage ; veuillez en faire couper huit aunes…

— Il en faut neuf, tout au moins, pour un manteau, reprit Philip avec décision.

— Ma mère a dit huit, » objecta Sÿlvia, bien décidée à contrarier Philip autant qu’elle le pourrait.

Mais à ce moment des cris d’enfants, des bruits de pas se firent entendre dans la rue, du côté de la rivière. Oubliant aussitôt sa mante et sa querelle, Sylvia courut à la porte du magasin ; Philip l’y suivit immédiatement. Hester, qui venait d’accomplir sa tâche en mesurant l’étoffe, les contemplait avec une sorte d’intérêt passif.