Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/22

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jeune marchande s’étant mise à regarder par la fenêtre.

Molly Corney, arrivant presque aussitôt, entra comme une tempête dans le magasin.

« Écoutez, écoutez !… disait-elle. Entendez-vous ces cris, du côté du quai ? La press-gang est tombée sur eux comme l’Ange exterminateur… Écoutez, écoutez plutôt ! »

Personne ne parlait plus, personne ne respirait plus, et on eût dit que tous les cœurs suspendaient leur battement pour mieux entendre. — La voix populaire s’élevait en effet, poussant des cris de rage et de désespoir, parmi lesquels la distance n’empêchait pas de distinguer çà et là quelques malédictions inarticulées. Le tumulte, le piétinement irrégulier, les clameurs se rapprochaient peu à peu.

« On les mène à la Randyvow-house, reprit Molly ; et je voudrais que le roi George fût là, pour lui dire ma façon de penser ! »

Elle grinçait des dents et serrait les poings en parlant ainsi.

« Voilà qui est terrible ! dit Hester ; leurs mères, leurs femmes les attendaient comme des étoiles tombées du ciel.

— Ne pouvons-nous rien pour eux ? s’écria Sylvia. Jetons-nous dans la foule et portons-leur assistance ! Il m’est impossible de voir tout cela et de rester les bras croisés. »

Pleurant à moitié, déjà elle se précipitait vers la porte ; mais Philip la retint d’une main ferme.

« Non, Sylvia, vous n’irez pas ! Point d’étourderies, sil vous plaît. C’est la loi qui s’exécute, et personne n’y peut rien ; à plus forte raison les femmes et les petites filles, »

Cependant les premiers groupes commençaient à pas-