Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/23

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ser sous les fenêtres du magasin. Foster. Ils se composaient principalement de gamins du port, êtres pour ainsi dire amphibies, qui, forcés de reculer devant l’élan de la foule, n’en cherchaient pas moins toutes les occasions de jeter une insulte, un blasphème à la face des agents de la presse. Ceux-ci, armés jusqu’aux dents, pâles, de colère, se distinguaient sans peine des cinq ou six matelots à faces bronzées qu’ils venaient d’enlever à l’équipage du baleinier. La razzia eût peut-être été plus complète, mais, depuis la fin de la guerre d’Amérique, c’était le premier ordre de l’Amirauté que la population de Monkshaven eût vu ramener à exécution. Un de ces hommes adressait à ses concitoyens, d’une voix poussée à ses notes les plus aiguës, je ne sais quelle exhortation que bien peu de personnes entendaient, car elle était pour ainsi dire noyée dans les violentes imprécations, les apostrophes irritées des femmes qui se pressaient comme le Chœur antique autour du groupe fatal. Sur leurs visages convulsés et livides on pouvait lire les émotions les plus contradictoires : un mélange bizarre de tendresse et de fureur, l’ardent désir de serrer sur leurs poitrines ces chers êtres qu’une autorité cruelle leur enlevait, la soif non moins ardente d’une prompte délivrance et d’une vengeance complète.

Quelques hommes, çà et là, silencieux et sombres, n’eussent pas mieux demandé que de satisfaire à ce dernier vœu ; mais ils n’étaient pas en très-grand nombre, et l’immense majorité de ceux qu’une révolte aurait trouvés prêts était précisément à bord des baleiniers encore absents.

Au moment où la multitude orageuse se massait sur la place du Marché, au moment où, dans ses rangs serrés, la press-gang se frayait de force un chemin vers l’odieux Rendez-vous, une femme accourut et la rejoi-