d’abord elle n’adressa pas la parole ; pour lui, l’examinant à la dérobée, il voyait de grosses larmes couler le long de ses joues, sans qu’elle songeât le moins du monde à les étancher avec le coin de son tablier.
« Philip ! lui dit-elle enfin le regardant tout à coup au visage, ne le délivreront-ils pas bientôt ?… Et, mettant les choses au pis, que peuvent-ils bien lui faire ? »
C’était là précisément la question qu’il redoutait le plus. Aussi ne se pressa-t-il pas d’y répondre.
« Parle donc, parle ! reprit-elle avec impétuosité… Je vois bien que tu sais à quoi t’en tenir. »
Il fallait s’exécuter, et sans délai. Ses réflexions ne lui fournissant rien de mieux :
« Il est, dit-il, accusé de félonie.
— De félonie ? reprit-elle… Il faut lui en vouloir beaucoup pour se servir de pareils mots en ce qui le concerne… Je ne te comprends pas, véritablement, quand tu me parles de « félonie, » continua-t-elle presque offensée.
— C’est le mot dont se servent les avocats, dit tristement Philip… Je ne l’ai pas inventé. »
Puis, pour détourner l’entretien, il feignit d’aller donner quelques ordres à Phœbé. Pendant sa courte absence, la jeune fille avait rassemblé ses idées. Elle revint à la charge.
« Supposons qu’ils l’envoient à York… Supposons qu’il passe aux assises, quelle serait, dis-moi, sa pire chance ? »
Sous le coup d’œil pénétrant qu’elle lui jetait en parlant ainsi, Philip ne savait que devenir.
« Ils peuvent, dit-il à regret, ils peuvent l’envoyer à Botany-Bay. »
Il savait, à part lui, qu’un dénoûment encore plus sinistre était à redouter, et toute sa crainte était de le laisser entrevoir. Mais ce qu’il venait de dire allait tel-