Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/26

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à leur ouvrage, n’allassent pas se mêler à l’émeute. Voyant Philip hésiter :

« Explique-toi, mon garçon, ne garde rien sur le cœur : la mission que je te donne te contrarie-t-elle ?

— J’avais pensé à ramener chez elles ma cousine et cette autre jeune personne, car la ville est un peu en l’air et il commence à faire sombre.

— Soit, dit le bon vieillard ; je me chargerai d’arrêter Nicholas et Henri si par hasard ils voulaient s’abandonner aux instincts du vieil Adam, et puisque William Coulson n’est pas encore revenu d’York, je rangerai moi-même le magasin, je reconduirai moi-même Hester chez elle. »

Nicholas et Henri avaient déjà levé le pied, cela va sans dire, et, le magasin une fois rangé, Jeremy n’eut plus qu’à pratiquer, avec toutes les recherches de sa courtoisie surannée, les rites hospitaliers du temps. Tirant une clef de sa poche, il ouvrit un placard, creusé tout exprès assez haut et où se trouvait sa petite provision de gâteaux, de vins et de liqueurs, pour la mettre tout entière à la disposition des deux jeunes filles.

Sylvia refusa ce qu’on lui offrait. Molly, plus docile aux usages, accepta du vin et des gâteaux, ayant bien soin d’en laisser la moitié, selon les exigences de l’étiquette villageoise, et aussi parce que sa compagne la pressait obstinément de partir. Sylvia se flattait peut-être d’échapper à l’escorte de son cousin ; mais ce petit plan fut déjoué par le retour de Philip, qui rentra dans le salon, une joie grave peinte dans ses yeux, et portant sous son bras cette tiretaine rouge qui avait failli le brouiller avec Sylvia. Celle-ci boudait encore un peu, mécontente d’avoir été inutilement impolie. Cependant, et par manière d’expiation, elle mit dans ses adieux une certaine douceur qui la réconcilia complètement avec son hôte. Hester, en revanche, ne paraissait pas disposée à