Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/33

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raisonner si juste, et sa langue allait s’épaississant toujours de manière à inquiéter sa femme et sa fille, non sur les propos étranges qu’il commençait à tenir, mais sur les fâcheuses conséquences que pourrait avoir un excès de boisson dans l’état maladif où il se trouvait depuis quelque temps. La jeune fille mit simplement son rouet de côté, pour indiquer que l’heure du sommeil était venue ; sa mère, — usant d’un droit depuis longtemps conquis, — enleva le verre et le flacon d’eau-de-vie dont on abusait, selon elle. Une protestation énergique fut la conséquence de ce coup d’état ; mais Philip avait déjà pris son chapeau pour se retirer, et les imprécations du vieux fermier, à moitié furibondes, à moitié plaisantes, n’arrêtèrent pas un moment son départ. Ainsi abandonné par son unique allié, le vieux Robson dut se soumettre. Quant à Philip, il ne songeait guère, en s’éloignant, qu’à se rendre un compte exact de la poignée de main que Sylvia lui avait octroyée en signe d’adieux.

V

HISTOIRES DE PRESSE.

Le lendemain et les jours suivants, le temps s’était mis à la pluie ; les rhumatismes du vieux Robson s’en trouvaient fort aggravés, et le digne fermier, retenu dans sa demeure, s’y ennuyait à cœur joie. Sa femme, réduite comme Mme de Maintenon, — et sans autant de ressources que celle-ci, — à divertir de son mieux un homme qui n’était plus amusable, recourut dans sa détresse aux conseils de Sylvia : « Si du moins, lui disait-elle, Philip Hepburn pouvait revenir… » Mais Sylvia repoussait