Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/34

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comme absurde l’idée que Philip pût servir de passe-temps à quelqu’un. Et quand, là-dessus, elle vit sa mère toute prête à se fâcher : « J’ai un autre remède, lui dit-elle, et bien plus certain… » Après quoi, jetant sur sa tête son tablier bleu, elle courut vers la grange où Kester, le garçon de ferme, examinait les toisons qu’on allait préparer pour la filature. L’apparition du joli minois de Sylvia que ce capuchon improvisé semblait embellir encore, fit épanouir un large sourire sur l’épais visage du fidèle serviteur, — épris peut-être de sa jeune maîtresse, — mais si secrètement que lui-même ne s’en doutait pas.

Elle avait, disait-elle, un message à lui confier ; message qui demandait beaucoup de ménagements et de diplomatie. Il ne s’agissait de rien moins que de déterminer maître Bullfinch, le tailleur, à venir, sans faire semblant de rien, s’enquérir des réparations qu’exigeaient les vêtements du fermier. On s’arrangerait pour qu’il trouvât bonne quantité d’ouvrage ; cet ouvrage le retiendrait à la ferme ; et Robson aurait ainsi, pour toute la durée du mauvais temps, un interlocuteur assuré, dont le bavardage n’était pas sujet à s’épuiser facilement. Kester entra joyeusement dans le complot, enthousiasmé de quelques incitations caressantes qui, dans la bouche de Sylvia, équivalaient aux ordres les plus péremptoires. Mais, comme la diplomatie n’était guère son fait, il la remplaça par un beau shilling dont il fit généreusement le sacrifice muet, et qui eut sur Bullfinch une influence au moins égale à celle des insinuations les mieux ménagées.

Dès le lendemain, comme par hasard, le tailleur apparaissait au seuil de la ferme de Haytersbank, et comme par hasard aussi, Bell et Sylvia découvraient une foule d’accrocs à fermer, de boutons à remettre, qui nécessitaient son installation régulière dans leur petit établissement. Une fois l’ouvrage en bon ordre, les fers au feu