Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/373

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Darley la contemplait avec une attention mêlée de sympathie : — « Jeunesse, dit-il, j’aurais préféré que vous ne vissiez pas cette montre… On ne gagne rien à se trop occuper d’une des créatures de Dieu… mais je n’en ferai pas moins ta commission, continua-t-il tout à coup sur un ton bien moins grave… Je suis un vrai blaireau quand je m’en mêle… Revenez chercher votre montre d’ici à deux jours, et je vous donnerai tous les renseignements que j’aurai pu me procurer. »

Hester s’en alla donc avec un grand battement de cœur, à l’idée qu’elle allait enfin avoir quelques nouvelles de Philip, mais n’osant pas se flatter, dans le premier moment, que ces indices dussent satisfaire aux exigences de son ardente curiosité. Quelque matelot nouvellement débarqué avait pu rapporter de ses expéditions lointaines la montre de Philip. En ce cas, Philip était mort. Rien d’impossible à ceci. C’était même, ainsi se disait-elle, que devait le plus naturellement s’interpréter le retour de cette montre sur l’identité de laquelle il ne lui était pas permis de conserver le moindre doute. Il se pouvait, en revanche, que Philip lui-même l’eût portée chez Darley, et alors il lui fallait se le figurer en lutte avec la faim et forcé, — littéralement forcé, pour ne pas mourir comme tant d’autres, — d’aliéner ce précieux bijou de famille. Si cela était, quelle honte et quel remords de penser à ces trois amples repas que Sylvia leur servait chaque jour !

Sylvia !… Hester gémissait intérieurement en se rappelant ce qu’elle lui avait dit autrefois : « Je ne lui pardonnerai jamais le mal qu’il m’a fait ! » Voilà bien les paroles impies qu’elle avait proférées le soir où Hester était venue, l’étreignant de ses bras, lui faire l’humiliant aveu de cet amour insensé dont Philip n’avait jamais daigné s’apercevoir.

Et maintenant, à qui était réservé le soin de réunir