Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/374

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ces deux êtres ? Serait-ce à Hester elle-même qui ne pouvait se douter, — âme trop droite, raison trop vigoureuse, — de ce qui se passait dans le cœur de Sylvia, dans ce cœur mobile, passionné, changeant ?

Et si c’était à elle, qu’aurait-elle à dire, qu’aurait-elle à faire, Philip se trouvant là sous le double coup d’une misère et d’une tristesse écrasantes ? Dévorée d’anxiétés, elle chercha comme d’ordinaire son refuge et sa consolation dans la sainte parole du Père céleste.

« Avec Dieu, tout est possible » se répétait-elle à chaque instant pour mieux se calmer.

Il est vrai. Tout est possible avec le secours de Dieu. Mais il accomplit parfois son œuvre au moyen de terribles instruments. À ceux qui souhaitent la paix, il envoie la mort.

XVI

SAUVÉE, PERDU.

Nous sommes au surlendemain. Hester est sortie pour retourner chez Darley. Comme toutes deux ne sauraient quitter à la fois Alice Rose, Sylvia est restée auprès de la vieille méthodiste, et attend le retour de son amie qui ne doit pas être absente plus de vingt minutes. Les yeux levés sur le ciel qui resplendit de tous les feux d’une belle soirée d’été, Sylvia s’abandonne à des pensées qui peut-être causeraient à Hester la plus vive surprise. Depuis le départ de Philip, en effet, elle a quelquefois regretté cette tendresse qui l’entourait d’une protection si intelligente ; lorsque Alice la réprimandait avec aigreur, lorsque la douce gravité d’Hester prenait une nuance de mécontentement sévère, elle se rappelait