Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/41

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reçut peut-être que mieux notre jeune Sylvia, quand elle la vit arriver à l’improviste, sachant bien qu’elle n’allait pas volontiers chez le premier venu et, quoi qu’elle en dît, secrètement flattée de la préférence. Elle l’envoya immédiatement dans le jardin, où Molly faisait la récolte des pommes tombées au pied de quelques arbres rabougris et rongés de mousse, sur des gazons dont les longues herbes enchevêtrées la faisaient trébucher à chaque pas. Après quelques mots échangés sur les sujets qui lui tenaient le moins au cœur, Sylvia finit par aborder résolument celui qu’elle tenait en réserve :

« Je, venais aussi, dit-elle, pour savoir où vous en êtes.

— Où j’en suis ? demanda Molly, qui avait bien entendu parler, quelques jours auparavant, des aventures de la Good-Fortune, mais qui, à vrai dire, dans ce moment-là même, n’y songeait en aucune façon.

— Oui, reprit Sylvia, ce grand combat, vous savez, où votre cousin Kinraid s’est conduit avec tant de bravoure, tant de grandeur d’âme, et qui va peut-être lui coûter la vie ?…

— J’y suis, dit Molly, quelque peu surprise de voir cette petite fille s’exprimer avec tant de véhémence… J’y suis, maintenant… On m’a raconté tout cela, il y a bien des jours… Mais Charley n’en est pas, Dieu merci, où vous le supposez… Il va beaucoup mieux, et on doit l’amener ici, la semaine prochaine, pour le changer d’air.

— Quel bonheur ! s’écria Sylvia de toute son âme. Je croyais qu’il en mourrait, et qu’il ne me serait jamais donné de le voir.

— Oh ! vous le verrez, je vous le promets… C’est-à-dire s’il se rétablit, car il a, dit-on, une mauvaise blessure… Quatre marques bleues sur le côté, qui lui dureront toute la vie. Le docteur, de plus, craint une