Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/49

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s’adressant alors à Sylvia, lui demanda des nouvelles de ses parents ; mais, avant qu’elle n’eût pu lui répondre, Molly, saisissant la main de sa compagne, l’entraîna du côté de Charley Kinraid. Philip se vit contraint de les suivre. Le specksioneer s’apprêtait alors à regagner péniblement son logis. Il s’arrêta, voyant venir à lui sa cousine ; mais son regard ne demeura pas longtemps fixé sur elle, attiré qu’il était par le visage de Sylvia, où se peignait, à travers les larmes dont il était couvert, un sentiment de timide admiration pour le premier « héros » qu’il lui eût été donné de contempler.

« Ma foi, Charley, disait cependant Molly, vous m’avez tout de même bien étonnée quand je vous ai vu ici, avec une figure de revenant, adossé à ce tombeau… Mon Dieu, que vous êtes maigre, que vous êtes pâle !

— Mais oui,… assez pâle, assez maigre comme cela, répondit-il avec lassitude.

— J’espère pourtant, monsieur, que vous êtes en voie de guérison, dit Sylvia d’une voix très-basse, empressée qu’elle était de lui parler, et toute surprise néanmoins de se trouver si téméraire.

— Merci, mon enfant… Le plus mauvais est passé. »

Il poussait en même temps un profond soupir.

Philip reprit la parole :

« Il faudrait songer, disait-il, que nous avons tort de le retenir ici… La nuit approche, et il est si fatigué ! »

En même temps il faisait mine de se retirer. Les deux matelots qui avaient escorté Kinraid insistèrent dans le même sens que Philip, et si vivement que Sylvia crut devoir se reprocher les paroles qu’elle lui avait adressées ; — ce scrupule appela sur ses joues un vif incarnat.

« Voyons, Charley, venez vous faire soigner à Moss-Brow ! » disait Molly, et Sylvia se demandait, tout en faisant sa petite révérence au jeune marin pour prendre congé de lui, comment on pouvait traiter si lestement