Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/56

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Cette idée de mort soudaine hantait son jeune cerveau depuis qu’elle avait assisté aux funérailles. Alors, choisissant d’instinct la meilleure et la plus prompte voie de raccommodement, elle glissa sa main dans celle de Philip qui, toujours un peu boudeur, marchait à côté d’elle. La peur la prit, néanmoins, lorsque cette main une fois donnée se trouva captive, et si étroitement close que pour la retirer il eût fallu faire ce que dans son for intérieur elle appelait « un embarras. » Ce fut donc la main dans la main, lentement, en silence, qu’ils arrivèrent à la porte de Haytersbank. Bell Robson, assise auprès de la fenêtre, la Bible ouverte sur ses genoux, les voyait approcher ainsi, et une vague satisfaction vint éclairer comme un rayon de lune son visage noyé dans les ténèbres.

« C’est là ma prière du jour et de la nuit, » se disait-elle intérieurement. Toutefois, lorsque pour égayer leur bienvenue elle eut allumé la chandelle, on n’aurait pas retrouvé sur son visage austère le moindre vestige de la joie qu’elle venait d’éprouver.

Le même soir, dans une petite maison de Monkshaven, un trio pareil à certains égards, différent à beaucoup d’autres, se trouvait également réuni. C’étaient une mère avec sa fille unique et le jeune homme qui, adorant en secret cette dernière, voyait Alice Rose presque favorable à ses vœux, bien qu’il n’eût pas su gagner le cœur d’Hester.

Au retour de la course qu’elle avait faite dans l’après-midi, celle-ci s’arrêta une ou deux minutes sur un petit perron dont la propreté scrupuleuse attestait les soins minutieux prodigués à toute la maison. Au moment où elle ouvrit la porte, un frais parfum lui vint au visage ; c’était celui d’une feuille de géranium que le jeune quaker William Coulson écrasait entre son doigt et son