Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/55

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pas pour si peu de chose, j’apporterai avec moi celle que je brûlerais si je restais à la maison. »

Cette excuse ne pouvant servir, Sylvia se creusa la cervelle pour en trouver une autre.

« Écrire me donne de telles crampes, reprit-elle, que vingt-quatre heures se passent ensuite, avant que je ne sois en état de coudre… Et mon père a bien besoin des chemises que je lui fais en ce moment.

— Nous étudierons les cartes, recommença Philip ; je vous montrerai sur la mappemonde une foule de pays.

— Les mers arctiques y sont-elles ? » demanda Sylvia dont l’intérêt parut se ranimer tout à coup.

Mais lorsque Philip, insistant toujours, lui parla de faire alterner la lecture et l’écriture avec ses études géographiques, la jeune fille reprit toute son indifférence première :

« Vous perdriez vos peines avec moi, reprit-elle ; je n’ai pas la moindre disposition pour l’étude… Mais Molly a une sœur cadette, et celle-là vous ferait bien de l’honneur ; elle est toujours à fourrager parmi les livres. »

Pour peu que Philip eût été diplomate, il n’aurait pas manqué de bien accueillir cette insinuation peu flatteuse ; où trouver un meilleur moyen d’en faire repentir Sylvia ?… Mais sa mortification était trop sincère pour admettre de pareils calculs.

« C’est pour vous, non pour la fille du voisin, que ma tante a demandé mes leçons, reprit-il avec un accent de reproche.

— En ce cas, il faudra bien se soumettre, » répondit Sylvia, moins gracieuse que jamais.

L’instant d’après, cependant, elle eut regret de cette désobligeante saillie, et se prit à songer que si elle venait à mourir dans la nuit sans s’être réconciliée avec son prochain, les conséquences pourraient être fâcheuses.