Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/73

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res que l’hôte étranger prenait déjà dans la maison. On apporta des pipes, mais Philip ne fumait pas. Il se tint à l’écart, près de Sylvia et de mistress Robson qui, toutes deux, affectaient de rester étrangères à l’entretien de Robson et du specksioneer. La jeune, fille, néanmoins, interrompait de temps en temps sa couture, et Philip pouvait s’assurer ainsi qu’elle avait l’oreille à la conversation.

« Je suppose, lui dit-il penché vers elle, que la leçon de géographie doit être ajournée jusqu’après le départ de ce camarade ? »

Les deux derniers mots de cette phrase malencontreuse firent monter le rouge au visage de Sylvia, mais elle se contenta de répondre, affectant le désintéressement le plus complet :

« Voilà bien assez de géographie pour un soir… Je ne vous en suis pas moins très-reconnaissante, vous savez ? »

Philip abrita sa rancune dans un silence contraint. Il prenait un secret plaisir au bruit toujours croissant que faisait sa tante en préparant le souper, comme si elle eût voulu empêcher que les paroles du marin n’arrivassent aux oreilles de Sylvia. Celle-ci devina bientôt le malicieux sentiment de son cousin, et autant pour lui ravir cette petite victoire que pour l’empêcher de renouer avec elle un entretien particulier, elle se mit à fredonner tout en travaillant ; puis, saisie tout à coup du désir de venir en aide à sa mère, elle se déroba fort adroitement de son siège, passa devant Hepburn, et vint s’agenouiller devant le feu, presque aux pieds de son père et, de Kinraid, pour faire griller quelques tranches de pain. À partir de ce moment, le tapage dont Hepburn se félicitait naguère tourna directement contre lui. Le malheureux n’entendait pas un seul mot des propos badins échangés entre Sylvia et le specksioneer qui faisait mine de lui enlever la fourchette à rôties.