Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/74

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Bientôt, sous prétexte d’aider sa tante, Philip la suivit dans la laiterie. Il voulait savoir d’où venait ce marin, et si la maîtresse de la maison partageait l’engouement du vieux Daniel. Bell Robson le rassura de son mieux et s’efforça de calmer l’irritation naissante que lui causait la faveur de leur nouvel ami. Mais elle n’y réussit qu’à moitié ; Philip passa le reste de la soirée dans un malaise évident. Malgré tout, il ne pouvait se résoudre à partir ; il voulait revendiquer, en restant plus tard que Kinraid, les droits d’une intimité plus ancienne. Il eut enfin la joie de le voir prendre congé, mais non sans s’être penché à l’oreille de la jeune fille et lui avoir adressé quelques paroles dont Philip ne put deviner le sens ; de son côté, saisie tout à coup d’un beau zèle, Sylvia ne quitta pas des yeux l’ouvrage qu’elle avait repris et ne répondit que par un geste de tête.

À peine fut-il parti, — non sans être revenu à deux ou trois reprises, sous de futiles prétextes, comme pour jeter encore du côté de Sylvia quelques regards furtifs, — elle plia son ouvrage, se déclarant trop fatiguée pour veiller une minute de plus. La patience de Hepburn était à bout. Voyant qu’elle cherchait à l’éviter, il prit la première raison venue pour la forcer de lui adresser la parole ; mais il choisit mal et ne s’aperçut point qu’il allait jeter mille obstacles dans tous leurs rapports ultérieurs.

« Je crois m’apercevoir, Sylvia, lui dit-il, que vous n’avez pas beaucoup de goût pour la géographie.

— Pas ce soir, répondit-elle affectant d’étouffer un bâillement, et néanmoins intimidée par le mécontentement qui se peignait sur les traits du jeune homme.

— Ni ce soir, ni aucun autre, reprit-il avec une colère croissante ; et sous toutes ses formes, d’ailleurs, l’instruction vous ennuie… Veuillez donc me rendre