Page:Gaskell - Les Amoureux de Sylvia.djvu/75

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les livres que j’avais apportés pour nos leçons… Ils sont là, sur cette planchette, à côté de la Bible. »

Sylvia les alla prendre d’un air indifférent et ennuyé, mais elle vit sur la physionomie offensée de son cousin, une expression de regret et de tristesse qui alla jusqu’à son cœur.

« Voyons, lui dit-elle, ne vous fâchez pas ! Plutôt que de vous chagriner, j’aime mieux travailler, essayer encore… Seulement j’ai si peu de moyens… Je dois vous donner tant de peine ! »

Hepburn avait grande envie de la prendre au mot ; son orgueil toutefois et son entêtement l’empêchèrent de lui répondre. Sans prononcer une parole, sans jeter un regard sur ce doux visage suppliant, il se mit à plier méthodiquement ses livres dans un morceau de papier. Bien qu’il fît semblant de ne pas s’en apercevoir, il savait à merveille qu’elle était debout à côté de lui. Dès qu’il eut fini, cependant, il s’éloigna sans autres adieux qu’un bonsoir banal adressé aux gens de la maison.

Les yeux de Sylvia s’étaient remplis de larmes, bien qu’au fond du cœur elle se sentît soulagée. Elle venait en effet de voir dédaigner, repousser une proposition loyalement faite.

Quelques jours après, au retour du marché de Monkshaven, son père lui apprit, entr’autres nouvelles, qu’il avait rencontré Kinraid partant pour retourner à Cullercoats. Le galant marin l’avait chargé de ses excuses pour mistress Robson et leur fille, auxquelles, si le temps l’eût permis, il serait venu faire ses adieux ; mais Robson se garda bien de conserver en sa mémoire et de transmettre exactement un message de pure politesse, adressé à des femmes sans conséquence. Sylvia eut donc à se tourmenter, pendant un ou deux jours, de la négligence témoignée par son héros à des personnes qui l’avaient traité en ami, bien qu’il fût pour elles une