Page:Gaskell Craik - Trois histoires d amour.djvu/216

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sance, à déguiser la vérité. Je dis qu’elle avait probablement eu tort en quelque chose, puisqu’elle avait elle-même reconnu que, dans une situation semblable, la femme est rarement sans reproche.

— Oui, c’est cela, voilà ce que je me reproche et ce que je crains. Mais, Marc, si vous saviez ce que c’est que de voir fuir sa jeunesse, de sentir que vous n’en avez jamais pleinement joui, que vous n’avez pas eu de bonheur, et qu’elle s’en va, qu’elle n’est plus ; si alors quelqu’un vient vous aimer, ou croire qu’il vous aime, s’il vous dit que vous êtes la seule personne qui puisse le rendre heureux, lui faire du bien, si vous voyez qu’il y a quelque vérité dans ce qu’il dit, que si vous étiez plus jeune ou lui plus âgé, ou bien si d’autres choses étaient plus égales entre vous… vous pourriez…

— Jeanne, dis-je, troublé par l’expression de ses yeux, aimez-vous lord Erlistoun ?

— J’en ai peur.

Ainsi en un instant toute la face des choses changea ; en moins d’une minute, ce « vaisseau » dont Jeanne aimait à rire, et qui, disait-elle, revenait si rarement au port, mon vaisseau sombra, sombra, sombra jusqu’au fond de la mer, sans qu’une seule voile se fût déchirée, sans qu’un mât se fût rompu !