Page:Gaskell Craik - Trois histoires d amour.djvu/284

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reux de se trouver auprès d’elle, sans l’absorber et sans être absorbé par elle, et il ne témoignait aucune trace de ce doux égoïsme, de ce sentiment passionné de ses droits qui marque la ligne si souvent presque imperceptible entre l’affection simple, même la plus fidèle et la plus confiante, et l’amour, l’amour véritable, le maître qui, dominant tout, exige tout et veut tout en retour de ce qu’il donne.

Jeanne le voyait-elle ? et, le voyant, le voulait-elle ? Comprenait-elle, comme un homme l’eût compris, que, pour un véritable amant, c’eût été une torture de rester là à regarder ce doux visage, avec deux autres visages à côté ? Et que, après cette longue séparation, la quitter de nouveau, même pour douze heures, avec ce tranquille bonsoir, en appuyant câlinement des lèvres tranquilles sur une main fraîche, cela eût été intolérable, impossible ?

Qu’était devenue toute sa passion ? Elle avait brûlé comme un feu de paille. Que savait-il, cet enfant amoureux, de la passion véritable, aussi forte que délicieuse, capable de tout supporter, indomptable à toute opposition, comme le feu au sein de la montagne se purifiant par sa propre ardeur ; patiente en perdant tout, mais n’acceptant que la perte absolue ou le gain complet ; exi-