Aller au contenu

Page:Gaston Phoebus - La Chasse, J-Lavallee, 1854.djvu/103

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 47 —

vant, quieu temps il fera lendemain ; et pour ce, se garde elle, au mieuls que elle puet, de mautemps[1].

Lièvres portent deux mois leurs levretiauls ; et quant elles ont levreté, elles liment de la lengue leurs levretiauls, einsi que fet une lisse. Et puis s’en fuyent loins d’iqui et vont quérir voulentiers le masle ; quar si elles demouroyent avec leurs levretiauls, guères voulentiers[2] les mengeroient. Et se elles ne truevent le masle, elles reviennent à leurs levretiauls à chief de piesse[3] et nourrissent et alaitent leurs levretiauls par l’espace de xx jours ou environ. Une lièvre porte communément deux levretiauls ; mes j’en ay bien veu qui en portaient vi, v, iiii et trois. Et si, dedens trois jours que elle a levreté, elle ne trueve le masle pour se faire alinhier[4], les levretiauls seront mengiés par elle. Quant ils sont en leur amour, ils font ainsi que chiens ; mes ils ne se lient pas ensemble. Ils ont leur levretiauls en aucans petis buissonnès, ou hayètes, ou ès toufes de bruyères ou d’ajoncs, ou ès blez, ou ès vinhes. Si vous trouvés une lièvre, et

  1. Mautemps, mauvais temps.
  2. Guères voulentiers, très volontiers. Selon quelques grammairiens et notamment Roubaud, guères est dérivé de ger, gar, amas, tas. En sorte que le mot guères signifie beaucoup et non pas peu. Il ne prend ce sens qu’en vertu de la particule ne. Je n’en ai guères, c’est à dire je n’en ai pas beaucoup, ou j’en ai peu.
  3. À chief de piesse, en fin de compte.

    Car quant l’amant plaint et souspire
    Et est en dueil et en martire,
    Doulx penser vient à chief de pièce.

    (Roman de la Rose, vers 2680.)
  4. Alinhier, ligner, couvrir. On se sert encore de ce terme en parlant de la louve ; ainsi on lit, dans l’École de la Chasse par Le Verrier de la Conterie : « On dit, le loup a ligné la louve, pour dire qu’il l’a couplée ou couverte. »