Aller au contenu

Page:Gaston Phoebus - La Chasse, J-Lavallee, 1854.djvu/108

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 52 —

mengier et sanz boire, fors qu’ils poupent[1] leurs mains, et au xle jour, issent hors. Et si celuy jour fet bel, ils s’en retournent dedens leurs cavernes, jusques à autres xl jours ; quar ils pensent que encore fera mal yver et froit jusques à celi jour. Et si le dit jour qu’ils issent de leurs cavernes fet let, ils vont hors, pensant qu’il fera beau temps d’ilec en avant ; et neissent en mars ; et neissent deux au plus, et demuerent mors par l’espasse de un jour, et leur mère leur alayne si fort sur eulx et les eschaufe et lèche de sa langue qu’elle les fait reviver. Et leur poil est plus près de blanc que de noir, et alaitent un mois ou pou plus. La cause est quar ils ont males ongles et males dens, et sont felonnesses bestes de leur nature ; et quant ilz ne truevent le let de leur mère à leur guise ou l’ourse se bouge ou se muet, ilz mordent ou esgratignent les poupes[2] de leur mère, et elle se courrouce et les blesse ou tue aucunefois. Et pource, se garde elle, quant ils sont un pou forts que ne les laisse plus alaitier ; mes elle vet mangier tout quant que elle puelt trouver et puis leur giète par la gorge devant eulx ce qu’elle a mengié. Et einsi les nourrist jusques tant qu’ils se pevent pourchassier. Et quant l’ours fait sa besoigne avec la ourse, ilz font à guise d’omme et de femme touz estandus et l’un sur l’autre.

Ilz vivent d’erbes, de fruiz, de mieil, de char crue et cuyte quant ilz en pevent avoir, de lait, de glant, de faine, de froumiz, et de toute vermine et charoinhe, et montent sur les arbres pour querir des fruis ; et aucunefois, quant tout leur faut par grant yver ou par grant famille ils oseront bien prendre et tuer une vache ou un buef ; mes pou sont qui le facent ; mes pourciauls, brebiz, chievres et tel menu bestaill menjent-ils et prennent voulentiers quant les truevent à point ; espiciaument ceulx qui sont de la grant’forme. Ilz durent en leur force x ans ; et à grant paine, ours puet vivre vingt ans, car ils deviennent voulentiers aveugles, et puis ne pevent quérir leur vie. Ilz vont trop

  1. Poupent, sucent.
  2. Les poupes, les tettes.