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Page:Gaston Phoebus - La Chasse, J-Lavallee, 1854.djvu/109

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loinh selon si pesans bestes à les menjeures. Et c’est afin que on ne les trueve ; quar ils ne demourront jà près de leurs menjeures.

Quant on les chasse, ils fuyent de l’homme et ne courent pas sus jusques tant qu’ils soient blessiés ; mes quant ils sont blessiés, ils courent sus à tout quant qu’ils voyent devant eulx. Ilz ont merveilleusement fors bras, de quoy ils estrainhent aucunefois un homme ou un chien si fort qu’ils l’afolent[1] ou tuent. Des ongles ne font pas mal, pourquoi nulle beste en puisse mourir ; mes ils tirent ès mains et moynent[2] à leur bouche et à leurs dens et cela sont leurs meilleurs armes ; quar ils ont trop forte et male morsure, que si ils tenoyent un homme par la teste, ils le romproient le test usques[3] à la cervelle et le tueroient ; et se ils tenoyent le bras ou la jambe d’un homme aux denz et aux mains, ils la romproient tout oultre ; ne il n’est si fort hante[4] d’espieu que ès mains, quant ils sont féruz, ils ne la rompent.

Il est si pesant beste tant que les chiens, qui le vuelent bien chasser, le voyent touzjours ; quar il ne court guères plus que un homme. Il ne se fet point abayer au trouver comme fet le sanglier ; anssoys sen fuit de l’oye comme feroit un lievre jusques à tant que les chiens l’atainhent, et li commencent à fere mal ; et lors se met en deffense. Aucuns se lievent sur les piés derrières comme un homme, et c’est signe de couardise et d’effroy ; mes quant ils sont sur iiij piés et atendent l’homme qui vient contre eulx, adonc est semblant qu’ils se veulent revengier et non pas fuyr.

Ilz sentent de loinh et ont bon vent plus que nulle beste fors que le sanglier ; quar ils sentiront unes pastures de glant, s’ils

  1. Afolent, blessent.

    Ah ! le bourreau ! le traître ! le méchant !
    Il m’a perdue, il m’a tout affolée.

    Lafontaine.Le Diable de Papefiguière.
  2. Moynent, mènent.
  3. Usques, jusques, du latin usque.
  4. Hante, hampe.