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Page:Gaston Phoebus - La Chasse, J-Lavallee, 1854.djvu/121

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et menge aveques eux, Et si le lou est aveques les chiaux, quant la louve vient, et elle porte rien[1], et le loup n’a assez mengé, il oste la proye à elle et à ses cheaulx et menge son saoul premier ; et puis leisse le remenent, s’il en y a, et si non, si muerent de fain s’ils vuelent, car il n’en conte guères, mes qu’il ait le ventre plain. Et quant la louve voit ce, elle est si fausse et si malicieuse, que elle laisse la viande, que elle porte, loinh de là où les louvetiaulx sont, et vient veoir si le lou y est ; et si le lou y est atendra jusques tant que le lou s’en soit alé, et puis aportera la viande à ses louvetiaux. Mes le lou, qui est aussi malicieux, quant il voit venir la louve sans nulle proye, il la vet flairer à sa bouche, et s’il sent que elle ait rien porté, il la prent aux dens et la bat tant qu’il convient qu’elle li monstre où elle a lessé sa proye. Et quant la louve s’aperçoit qu’il fet einsi, quant elle tourne à ses chiaux, elle vient tout le couvert et ne se monstre point au lou jusques tant que elle ait veu s’il y estoit ou non. Et s’il y est elle se musse[2] jusques tant qu’il s’en soit alé querir sa proye pour la fain qu’il ha. Et lors quant il s’en est alé, elle porte à ses

  1. Rien, quelque chose, du latin rem. Le mot rien ne prenait autrefois le sens négatif que lorsqu’il était accompagné de la particule ne. Ainsi : elle porte rien, signifiait : elle porte une chose ; elle ne porte rien, signifie : elle ne porte nulle chose.

    Il en est de même de guères. (Voyez la note 2 de la page 47.)

    Il en est de même de point. (Voyez la note 4 de la page 46.)

    Rien, point, guères, sans la particule ne, étaient, au xive siècle, employés dans un sens affirmatif.

  2. Musser, mussier ou mucer, cacher.

    « Quant Adam ot sentie la saveur de la pomme qui lui estoit deffendue et à Eve autressi, ils se trovèrent tous nus et orent honte li uns de l’autre : car avant ne savoient-il noient (néant) de lor nueté (nudité). Que firent-il dont ? Il pridrent foilles de figuiers que elles estoient grans, si s’en couvrirent au miex que il porent, dolens en furent et courecié ; si se mucièrent desous un arbre. »

    (Histoire universelle jusqu’au temps de la république romaine. Manuscrit de la Bibliothèque royale, no 68293, anciens fonds français.)