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vit son père, et c’est vérité aucune fois et non pas touzjours ; quar il avient que quant la louve en a mené celuy que elle vuelt plus, comme j’ay dit, et les autres lous s’esveillent, ils se mettent tantost ès routes de la louve, et s’ilz truevent que le lou et la louve se tienhent ensemble, trestous les autres corrent sus au lou et le tuent ; et pource dit on que lou ne vit james son père et ceci est vérité en ce cas ; mes quant en tout le païs n’a senon un lou et une louve, lors ne puet estre vérité. Ou aucune fois par aventure les autres lous se sont esveillés si tost ou si tard que encore le lou ne se tendra aveque la louve, ou par aventure seront jà leissiés, et lors s’enfuit il des autres lous qu’ils ne le tuent pas ; et en ce cas aussi n’est pas vérité. Ils pevent engendrer au bout d’un an et lors se despartent de la mère et de leur père. Et aucune fois anssois qu’ils ayent un an, mes qu’ils ayent les dens refètes et remuées[1] toutes à leur droit des autres petites dens qu’ils ont premier ; quar ils ont deux dens en un an : les premières leur chiéent quand ils aront demi an ; et puis les remuent ; les autres qu’ils portent tous les jours de leur vie sans remuer. Et quant celles sont refetes à leur droit, donc leissent ils leur père et leur mère et vont querir leurs aventures. Mes pour quant qu’ils aillent loinhs ne demuerent l’un sans l’autre longuement. Pource n’est pas que s’ils encontrent leur père et leur mère qui les ont norris, qu’ilz ne li facent feste et réverence touzjours. Et sachiés que quant un loup et une louve se sont accompanhiés, ils demuerent tousjours voulentiers ensemble et pour quant qu’ils aillent querir leur proye loinh, l’un dessà, l’autre de là. Il ne sera que la nuyt ne soyent ensemble s’ilz pevent, et se non, au moins au bout de trois jours. Et telz lous einsi accompanhiés portent à mengier à leurs enfans einsi bien le père comme la mère ; fors tant que le lou menje premièrement lui même son saoul et le remenant[2] porte à ses cheaulx. La louve ne fait pas ainsi ; quar elle porte, ansoys que elle menje, tout à ses cheaulx

  1. Remuées, rechangées, du latin remutare et non pas de removere.
  2. Remenant, le reste, du latin remanere.