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le rendez-vous de ceux qui se distinguaient par quelque genre de mérite, soit dans les arts, soit dans lettres, soit dans la guerre. Il se plaisait à rassembler autour de lui les plus braves chevaliers, les meilleurs écrivains. La valeur malheureuse était certaine de trouver dans ses États un généreux accueil. En 1367, après la bataille de Navarrète, il donna d’abord asile à D. Enrique de Trastamare. Ensuite il permit que l’aîné de ses fils naturels, Bernard de Foix, embrassât le parti du roi fugitif. Aussi quand la guerre fut terminée, pour reconnaître les services de Bernard, D. Enrique lui donna Medina-Celi, le maria avec Isabelle de La Cerda, petite-fille d’Alphonse le déshérité, et c’est de cette alliance que les ducs de Medina-Celi se glorifient de descendre[1]. Gaston avait été heureux dans toutes ses guerres ; cependant il préférait le repos de ses sujets à la gloire militaire. Toute la splendeur dont il était entouré ne l’empêchait pas d’apporter dans ses dépenses une sage économie, et, dit Froissard, il voulait savoir tous les mois ce que le sien devenait. Toujours en doute à cause de ses querelles avec les Armagnacs, voulant rester neutre entre les rois de France et d’Angleterre, il avait amassé d’immenses trésors qui lui assuraient le moyen de lutter avec avantage contre quiconque l’attaquerait. Ses troupes étaient nombreuses, bien payées ; et tandis que les terres soumises aux rois de France et d’Angleterre étaient ravagées par les compagnies, les siennes étaient respectées. Il n’était pas de pillard qui osât faire une injure, ni dérober un denier dans ses États. La justice y était sévèrement gardée. Heureux d’être à l’abri des désordres de la guerre, ses sujets payaient sans hésiter et sans se plaindre les tailles qu’il avait imposées. Il prenait, le fort portant le faible, deux francs par an sur chaque feu. Personne n’en murmurait, tandis que le prince Noir ne put, sans provoquer un soulèvement, établir en Guyenne un fouage de moitié moins considérable. Ce prince, pour replacer Don Pèdre le Cruel sur le

  1. Mariana, liv. 17, chap. 12.