Jusqu’à ce jour le sort n’avait cessé de favoriser Gaston. Ses richesses ainsi que son pouvoir avaient toujours été en s’accroissant. Cependant, sa part d’infortune et de douleur lui était aussi réservée. Depuis long-temps Agnès vivait reléguée en Navarre. De vains efforts avaient été tentés auprès de Gaston pour qu’il la rappelât à Orthez. Dès 1373, le pape Grégoire lui avait écrit à cet égard ; mais il n’avait voulu consentir à aucun rapprochement. Cependant il n’était pas assez cruel pour priver entièrement Agnès des caresses de son fils. Il permit au jeune Gaston d’aller la visiter dans sa retraite. Au dire de quelques auteurs, ce jeune homme ressentait vivement l’injure faite à sa mère, et pour la venger, lorsqu’il revint de ce voyage, il rapporta du poison qu’il voulait employer pour faire périr son père ; mais son projet fut découvert. Une quinzaine de jeunes seigneurs, qui avaient été élevés avec lui et que l’on considéra comme les complices de son crime, furent suppliciés par les ordres de Gaston Phœbus ; quant au jeune comte, il fut renfermé dans une prison où il périt par la main du bourreau.
Froissard raconte cette catastrophe d’une manière différente. Son récit est celui qu’on faisait en secret à la cour de Gaston lorsqu’on osait parler de ce terrible évènement. Au moment où le jeune Gaston allait quitter la Navarre, Charles le Mauvais le prit à part et lui dit : « Mon beau neveu, vous vous désolez, ainsi que moi, de l’aversion que le comte de Foix manifeste maintenant pour votre mère, Cependant, il est un moyen infaillible de la faire cesser. Il suffit de répandre une partie de cette poudre sur les plats qui seront servis à votre père. « Aussitôt qu’il en aura mangé, vous serez bien réjoui, beau neveu, car vous verrez son esprit se changer comme par enchantement. Il ne voudra plus entendre parler d’autre chose que d’avoir sa femme, et, une fois avec elle, ils s’aimeront si tendrement qu’ils ne pourront se passer l’un de l’autre. »
La renommée de perfidie que le roi de Navarre n’avait que trop méritée, aurait dû tenir le jeune Gaston en méfiance ; mais l’inexpérience de son âge lui fit ajouter foi aux paroles