légitime, il s’abandonne au délire des passions démagogiques. La ville de Béziers, la première, devint le théâtre de ces drames sanglants qui accompagnent toutes les révolutions. La populace, soulevée contre les officiers municipaux qu’elle accusait d’être favorables au duc de Berry, s’empara de l’Hôtel-de-Ville. À l’approche du danger, le viguier et les consuls s’étaient réfugiés dans une tour qui paraissait à l’abri d’un coup de main. Le siége en eût été trop long pour l’émeute ; la tour était en partie construite en bois ; on y mit le feu, et quand les malheureux qui s’y étaient retirés demandèrent à se rendre, on les rejeta impitoyablement dans les flammes. Un sergent d’armes du roi fut massacré chez lui. Un autre, qui avait cherché un asile dans l’église, fut arraché de l’autel et massacré sur une tombe du cimetière. Les maisons des notables furent pillées. Des scènes semblables éclatèrent dans beaucoup de villes de la Langue-d’Oc et servirent de prélude à la révolte des Tuschins qui, bien plus terrible que la Jacquerie, désola pendant longtemps le Midi de la France. Ces misérables qui dans le principe, pour se réunir, avaient invoqué un prétexte politique, n’étaient en réalité organisés que pour le meurtre et le pillage. Lorsqu’un homme avait le malheur d’être arrêté par eux, ils regardaient si ses mains étaient calleuses, et s’ils n’y trouvaient pas les traces que laisse le travail de la terre ou des professions mécaniques, ils le massacraient impitoyablement. S’ils prenaient un chevalier, ils lui remettaient son casque sur la tête après l’avoir fait rougir dans un brasier. Ils inventaient chaque jour de nouveaux genres de torture. Rien n’égalait leur cruauté, si ce n’est leur amour du pillage et de la dévastation. Gaston ne voulut pas qu’on pût lui reprocher d’avoir fait cause commune avec de semblables auxiliaires. Il s’empressa d’abdiquer le pouvoir que l’assemblée de Toulouse lui avait confiée. Il remit le gouvernement au duc de Berry et laissa à ce prince la tâche difficile de détruire les Tuschins. Pour lui, il se retira dans ses États, et, sans se mêler davantage aux troubles qui désolaient la Langue-d’Oc, il se borna à défendre ses sujets de toute insulte et de toute agression.
Page:Gaston Phoebus - La Chasse, J-Lavallee, 1854.djvu/27
Apparence