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des fumées d’un bouc ou d’une chièvre privée, mes que elles sont trop plus grandes et plus grosses. Ils vont au ruyt environ la Touzsains et demuerent un mois en leur chaleur ; et puis quant leur ruyt est passé se metent en harde et compagnie ensemble et descendent des hautes montainhes et roches où ils aront demouré tout l’esté tant pour la noif[1] comme pour ce qu’ils ne trouvent de quoy viander lassus, non pas en un pays droit plain, mes vers les piez des montainhes, querir leur vie ; et einsi demuerent jusques vers la Pasques, et lorz les boucs s’en montent ès plus hautes montainhes qu’ilz truevent, et chescun prent son buysson einsi que font les cerfs et demuerent aucunes fois deux boucs ensemble, einsi que font les cerfs, et aucune fois un tout seul. Les chièvres se départent lors de euls et demuerent plus bas près des ruissauls pour faoner. Et einsi demouerent toute la sayson de l’esté les boucs hors des chièvres jusque tant que vient le temps du ruyt comme j’ay dit. Et lors courrent ils sus aux gens et bestes et se combatent entre euls et réent en la manière que fet un cerf ; mes non pas de tel guyse. Quar ils chantent trop plus laidement.

De la manière comment on les prent et chasse diray je quant je parleray du veneur. Quant on est blessié d’un cerf c’est trop plus périlleuse chose que quant on est blessié d’un bouc ; quar le cerf fet playe einsi comme d’un coutel : et le bouc ne fet point de playe ; mes il blesse du coup qu’il donne, non pas du bout de la teste, mais du milieu, tant que j’ay veu qu’il rompoit à un homme son bras et à un autre sa cuysse ; et s’il tenoit un homme en contre un arbre ou en contre terre il le tueroit ou romproit tout, sans ce qu’il ne li feroit jà playe ; ne il n’a si fort homme

  1. Noif, neige.

    La gorge aussi avait très blanche,
    Comme est la noif sur la branche
    Quant il a fraîchement neigé.

    (Roman de la Rose, vers 558.)