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Page:Gaston Phoebus - La Chasse, J-Lavallee, 1854.djvu/99

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ment le masle. Lièvre ne vit guères longuement ; quar, à grant paine, passe lièvre le septième an, pour quant que on ne les chasse ne preinh. Elle oït bien ; mais elle voit mal. Elle a grant povoir de courre[1] pour la séchesse des ners qu’elle a. Elle sent pou et a trop pou de vent. Quant on la quiert et chiens crient, elle s’en va de l’espave[2] des chiens. Aucunefois la voit on en son lit gisant, et aucunefois les chiens la prennent anssois[3] qu’elle se meuve. Celles qui demuerent, que on les voit au lit, voulentiers sont fors lièvres et bien courant. Lièvre qui fuyt les ii oreilles droictes n’a guères paour et se sent fort. Encore quant elle tient l’une oreille droite et l’autre basse sur l’eschine elle ne prise touz les chiens ne levriers. Un lièvre que, quant il part de son giste, regibe[4] et dresse la cueue sur l’eschine comme un connil, c’est signe d’estre fort et bien courant.

Lièvre fuyt en diverses manières, quar aucunes fuyent tout droit, tant comme porront tirer, une ou deux lieues, puis fuient et refuient sur elles et demuerent quant plus ne pevent ; et se font prendre, que jà de tout le jour on ne l’ara veue. Et la première fois que elle ressault, elle se fet prendre pour ce que elle n’a plus de povoir. Autres fuyent un pou et puis demuerent et cela font bien souvent et puis prennent leurs fuytes si longue comme ils pevent pour mourir. Autres qui se font prendre en leur muete

  1. Povoir de courre. Dans l’édition Vérard on lit : paour de çourre ! Comprend-on qu’il ait été possible d’imprimer que le lièvre a peur de courir. Cependant cette énorme faute se trouve aussi dans le manuscrit de la Bibliothèque Mazarine.
  2. Espave, épouvante, de l’espagnol espaviento ou de l’italien spavenio.
  3. Anssois ou ansois, avant, et quelquefois au contraire. Voyez la note de la page 40.
  4. Regiber, pour regimber, caracoler, bondir.

    « Il regarde au travers de la prayrie et voit la beste qui s’en alloit tout regibant des pieds. »

    (Roman de Perceforest, vol. 2, f. 30.)