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pays. Et quant elle est saillie, c’est belle chose ; quar elle s’en ira par avanture de xx ou de xx lévriers ; car elle va trop tost[1]. Et puis aussi est belle chose la chasse des chiens à la prendre à force ; quar elle fuit bien longuement et malicieusement. Une lièvre fuyra bien deux lieues ou plus ou au moins une lieue s’il est vieill lièvre ou masle. Du lièvre donc est très bonne la chasse ; quar tout l’an dure, comme j’ay dit. Et le querir est très belle chose, et à course de levriers belle chose, et le prendre à force belle chose ; quar c’est grant mestrise pour les subtilitez et malices que elle fet.

Quant un lièvre se reliève pour aler à son vianders ou s’en revient à son giste, voulentiers il va et vient un chemin, et par là où il va ou revient, il ne puet souffrir qu’il y ait rainsel ne herbe qui la touche. Anssois ront des dens et y fet son sentier. Aucune fois vet demuerer loinh de son viander demie lieue ou moins ; aucune fois près de son viander. Mes, pour quant que il demuere près ne sera qu’il n’ait tournié un quart de lieue ou plus loinh de là où il aura viandé, et puis s’en revient près de son viander demourer. Et où que il aille demourer, près ou loinh de son viander, il y va si malicieusement et si subtilement, qu’il n’est homme du monde qui deist que null chien peust deffere ce qu’il a fet, ne la deust trouver ; quar il ira un tret d’arc ou plus par une voye, et puis reviendra sur soy autant et puis prendra d’autre part et fera cela meisme x ou xx fois ; puis s’en vendra en fort païs et y fera semblant de demourer et croysera x ou xii fois et fera ses reuses yqui[2] ; puis prendra aucun fauls sentier et s’en yra bien loinh. Cieulx semblans fera il trop de fois ansois qu’elle s’en aille à son demourer.

Lièvre n’a nul jugement par le pié, ne par les fumées ; quar touzjours les giète en une guyse : fors quant elle vet en amour que elle giète ses fumées plus arses et plus menues ; espiciau-

  1. Trop tost, très vite.
  2. Yqui et iqui, ici. C’est le mot espagnol aqui. Aqui et yqui sont encore employés dans le patois du Bourbonnais.