Aller au contenu

Page:Gaston Phoebus - Le Livre des oraisons, 1893.djvu/36

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
— 22 —

doulcement me sueffre. Maiz, maiz certes iay de toutes pars mes ennemis qui masaillent et navrent violemment les secrets de mon cuer, et se ce nestoit le mien souverain et piteux seigneur qui ma de neant fait qui me secourt et en secourant espovante mes ennemis qui ainsi me triboulent et me gietent leurs loyens miserablement, légièrement lyre servit, marme est menee en chetivoison.

Donc sires delivre moy de touz mes persécuteurs et pour ce sires que ie ne suy dignes que par moy le faces, plaise toy de le faire au moins par ta bonté, car ie confesse souverain doulx sires que tu nas nulle rayson de moy delivrer, car tout mon temps me suy delite en mal et en mauvaises euvres ay usé ma vie, maiz par toy me délivre, car cest vergoigne a toy que tes ennemis se trufent de ta facture qui est ainsi escharnie et de très puans vices tachiée laquele tu feis si honneste, et tant de honneur et de rayson tu a ournée que a lymage tienne et semblance tu fourmée. Vecy très-doulz Dieu mon meschant et chetif esperit par males euvres de toutes pars demiengie des dens de ses ennemis, par les quielx miserablement est desciré, si que a painnes est eschappé, il appelle sires taide, il souspire à la vision de ta grace, car sil ne te plaist a ly tost aidier, ia ne pourra à toy venir, trop dennemis aye comme tu vois très-piteus mon créateur par la fureur des quielx griefment feru et batu et escharné sueffre grans et griefs douleurs, maiz un entre les autres tousiours sefforce de mettre moy à mort, car quand touz se sont laissié de moy aussi comme sils feussent las. Celluy qui plus est hardi de touz me court sus, cest vainne gloire qui non seulement en mauvaises euvres tache les gens ainçois es bonnes, sil ne si garde, le fait cheoir, vaine gloire en semblant de faire bien fait eslever en orgueil et orgueil par son mortel conseil oste la vertu davoir la cognoissance de l’amour de nostre seigneur. Car supposé que leuvre que on fait soit bonne, par la vaine gloire que on en a, n’est pas plaisant a nostre seigneur, et que puest estre donc plus mauvaise que soy enorgueillir de faire bonne euvre. Car quand il cuide essaucier par le bien qu’il fait, il tombe bas par l’orgueil et par la gloire qu’il a. Orgueil certes et vaine gloire naturellement gisent au plus parfont denfer et humilité tousiours habite es cieulx. Je confesse donc, très benigne dieu, pour ce dessus dit, estre abatu et près de la mort mené, et en larme navre et ce ainsi est que ta souverainne misericorde et pitié ne me vueille secourre,