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Les oiseaux carnassiers, les animaux de proie,
Fauves, léchant le sang sur leurs lèvres, en joie,
Repus, l’ongle allongé, le poil droit sur le dos,
Princes, comtes, marquis, que le trépas convoie,
Vont vers l’antre romain, traînant entra leurs crocs
Un butin pantelant de chairs rouges et d’os.

 
Ils viennent, un à un, poser aux pieds du Maître,
Du Pape, radieux d’avoir su les soumettre,
L’hommage répugnant de leurs sombres exploits,
De leurs assassinats, de leurs vols. Et le Prêtre,
Appliquant de son Dieu les charitables lois,
Bénit ces noirs coureurs des gorges et des bois.


Ô genre humain, damné même avant ta naissance,
Toi qui dans ton aïeul perdis ton innocence
Et te crus racheté par le sang de ton Dieu,
Depuis, mettant au Mal toute ta complaisance
Et trouvant que ce sang était encor trop peu,
D’en verser à torrents avais-tu fait le vœu ?


Non, pas le genre humain ; mais ceux qui par la bride
L’ont pris, et dont le bras despotique le guide
À travers les douleurs, tes hontes, les forfaits ;
Ceux qui font sous ses pas la terre plus aride ;
Ceux qui de ses sueurs détruisent les effets
Et volent les travaux que ses mains avaient faits.