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Il fallait s’amaigrir dans les jeûnes barbares,
S’imposer des tourments odieux et bizarres
Pour expier le crime absurde d’être né,
Raffiner les douleurs, et chercher les plus rares ;
Car l’esprit, dans la chair par le Mal enchaîné,
Dut abattre le corps, ou bien être damné.

 
Le Prêtre proclama le dogme obéissance.
Le Tyran applaudit, sachant que sa puissance
Trouverait dans ce dogme un éternel soutien ;
Et, devant les autels que la sottise encense,
Le Prêtre oignit le Roi, promettant son maintien
Sur le Peuple meurtri, pourvu qu’il fût chrétien.

 
Et le Peuple, croyant, éperdu, fou de crainte,
Supportait, sans oser même exhaler sa plainte,
Le poids, sans cesse accru, de ce couple hideux.
Il étouffait, saignant, sous cette double étreinte ;
Et, pour le Paradis, avenir hasardeux,
Il laissait Prêtre et Roi l’exploiter tous les deux.

 
Sombre époque ! Le Pape, en haut de la colline
D’où les Césars pesaient sur le monde, domine
Les rois, les empereurs, au nom du Dieu-vivant ;
Et Rome, solennelle et funèbre ruine,
Est le centre où s’abat, apporté par le vent,
Des oiseaux carnassiers le tourbillon mouvant.