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Page:Gautier, Loti - La Fille du Ciel (1912).djvu/39

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PUITS-DES-BOIS

Mon cœur est comme pris dans un étau… Ne l’êtes-vous pas, de toutes façons, perdu ?…

L’EMPEREUR

Tais-toi. Après tout, qu’est-ce que j’ai donc à risquer, moi ? Ma vie ? À l’ombre de ce trône, dont on m’écarte, n’est-elle pas une interminable agonie ? Ah ! de quel poids m’écrasent les heures lentes qui tombent !… Qui dira l’horreur de cette stagnation molle, de cette solitude oisive ? Oh ! la rage qui dévaste l’âme, quand on est le Maître, et que l’on n’a aucun pouvoir !… Si je trouve ici la mort, je serai encore heureux mille fois d’être venu ! Toute ma triste existence antérieure ne vaut pas ces quelques jours de fuite et de voyage, l’ivresse de m’être échappé, d’avoir rompu, pour un temps, toute cette trame grise et soyeuse qui m’emprisonnait. Oh ! agir ! Agir au soleil, agir comme un homme, entreprendre une action téméraire qui, si je meurs, au moins, restera pour honorer ma mémoire !

PUITS-DES-BOIS

Vous êtes grand, vous êtes noble, vous êtes intrépide ; mais moi, qui ne suis rien, j’ai le droit de trembler !…