Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/10

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core disséqué d’âme aux amphithéâtres d’anatomie, on eut recours en dernier lieu à un docteur singulier, revenu des Indes après un long séjour, et qui passait pour opérer des cures merveilleuses.

Octave, pressentant une perspicacité supérieure et capable de pénétrer son secret, semblait redouter la visite du docteur, et ce ne fut que sur les instances réitérées de sa mère qu’il consentit à recevoir M. Balthazar Cherbonneau.

Quand le docteur entra, Octave était à demi couché sur un divan ; un coussin étayait sa tête, un autre lui soutenait le coude, un troisième lui couvrait les pieds ; une gandoura l’enveloppait de ses plis souples et moelleux ; il lisait ou plutôt il tenait un livre, car ses yeux arrêtés sur une page ne regardaient pas. Sa figure était pâle, mais, comme nous l’avons dit, ne présentait pas d’altération bien sensible. Une observation superficielle n’aurait pas cru au danger chez ce jeune malade, dont le guéridon supportait une boîte à cigares au lieu des fioles, des lochs, des potions, des tisanes, et autres pharmacopées de rigueur en pareil cas. Ses traits purs, quoiqu’un peu fatigués, n’avaient presque rien perdu de leur grâce, et, sauf l’atonie profonde et l’incurable désespérance de l’œil, Octave eût semblé jouir d’une santé normale.

Quelque indifférent que fût Octave, l’aspect bizarre du docteur le frappa. M. Balthazar Cher-