Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/102

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.


IX


Lorsque les valets eurent porté à sa voiture le vrai comte Labinski chassé de son paradis terrestre par le faux ange gardien debout sur le seuil, l’Octave transfiguré rentra dans le petit salon blanc et or pour attendre le loisir de la comtesse.

Appuyé contre le marbre blanc de la cheminée dont l’âtre était rempli de fleurs, il se voyait répété au fond de la glace placée en symétrie sur la console à pieds tarabiscotés et dorés. Quoiqu’il fût dans le secret de sa métamorphose, ou, pour parler plus exactement, de sa transposition, il avait peine à se persuader que cette image si différente de la sienne fût le double de sa propre figure, et il ne pouvait détacher ses yeux de ce fantôme étranger qui était cependant devenu lui. Il se regardait et voyait un autre. Involontairement il cherchait si le comte Olaf n’était pas accoudé près de lui à la tablette de la cheminée, projetant sa réflexion au miroir ; mais il était bien seul ; le docteur Cherbonneau avait fait les choses en conscience.