Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/103

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Au bout de quelques minutes, Octave-Labinski ne songea plus au merveilleux avatar qui avait fait passer son âme dans le corps de l’époux de Prascovie ; ses pensées prirent un cours plus conforme à sa situation. Cet événement incroyable, en dehors de toutes les possibilités, et que l’espérance la plus chimérique n’eût pas osé rêver en son délire, était arrivé ! Il allait se trouver en présence de la belle créature adorée, et elle ne le repousserait pas ! La seule combinaison qui pût concilier son bonheur avec l’immaculée vertu de la comtesse s’était réalisée !

Près de ce moment suprême, son âme éprouvait des transes et des anxiétés affreuses : les timidités du véritable amour la faisaient défaillir comme si elle habitait encore la forme dédaignée d’Octave de Saville.

L’entrée de la femme de chambre mit fin à ce tumulte de pensées qui se combattaient. À son approche il ne put maîtriser un soubresaut nerveux, et tout son sang afflua vers son cœur lorsqu’elle lui dit :

« Madame la comtesse peut à présent recevoir monsieur. »

Octave-Labinski suivit la femme de chambre, car il ne connaissait pas les êtres de l’hôtel, et ne voulait pas trahir son ignorance par l’incertitude de sa démarche.

La femme de chambre l’introduisit dans une