Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/112

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

parut aussi dans ce rêve absurde, mais revêtu d’une forme qui n’était pas la sienne.

Nous n’essayerons pas de peindre le désappointement d’Octave lorsqu’il se trouva en face d’une porte fermée et qu’il entendit le grincement intérieur du verrou. Sa suprême espérance s’écroulait. Eh quoi ! il avait eu recours à des moyens terribles, étranges, il s’était livré à un magicien, peut-être à un démon, en risquant sa vie dans ce monde et son âme dans l’autre pour conquérir une femme qui lui échappait, quoique livrée à lui sans défense par les sorcelleries de l’Inde. Repoussé comme amant, il l’était encore comme mari ; l’invincible pureté de Prascovie déjouait les machinations les plus infernales. Sur le seuil de la chambre à coucher elle lui était apparue comme un ange blanc de Swedenborg foudroyant le mauvais esprit.

Il ne pouvait rester toute la nuit dans cette situation ridicule : il chercha l’appartement du comte, et au bout d’une enfilade de pièces il en vit une où s’élevait un lit aux colonnes d’ébène, aux rideaux de tapisserie, où parmi les ramages et les arabesques étaient brodés des blasons. Des panoplies d’armes orientales, des cuirasses et des casques de chevaliers atteints par le reflet d’une lampe, jetaient des lueurs vagues dans l’ombre ; un cuir de Bohême gaufré d’or miroitait sur les murs. Trois ou quatre grands fauteuils sculptés, un bahut tout historié de figurines complétaient