Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/115

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

la famille des Labinski, des aiguières aux anses chimériques, des salières à la vieille mode, des hanaps, des coupes, des pièces de surtout contournées par la bizarre fantaisie allemande, et dignes de tenir leur place dans le trésor de la Voûte-Verte de Dresde. En face des argenteries antiques étincelaient les produits merveilleux de l’orfèvrerie moderne, les chefs-d’œuvre de Wagner, de Duponchel, de Rudolphi, de Froment-Meurice ; thés en vermeil à figurines de Feuchère et de Vechte, plateaux niellés, seaux à vin de Champagne aux anses de pampre, aux bacchanales en bas-relief ; réchauds élégants comme des trépieds de Pompéi : sans parler des cristaux de Bohême, des verreries de Venise, des services en vieux saxe et en vieux sèvres.

Des chaises de chêne garnies de maroquin vert étaient rangées le long des murs, et sur la table aux pieds sculptés en serre d’aigle, tombait du plafond une lumière égale et pure tamisée par les verres blancs dépolis garnissant le caisson central laissé vide. ― Une transparente guirlande de vigne encadrait ce panneau laiteux de ses feuillages verts.

Sur la table, servie à la russe, les fruits entourés d’un cordon de violettes étaient déjà posés, et les mets attendaient le couteau des convives sous leurs cloches de métal poli, luisantes comme des casques d’émirs ; un samovar de Moscou lançait en sifflant son jet de vapeur ;