Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/118

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dans lequel Mickiewicz a presque égalé Byron ne lui était pas venue. On ne songe jamais à tout.

À l’audition de cette phrase il se passa dans la cervelle du comte, habitée par le moi d’Octave, un très singulier phénomène : les sons étrangers au Parisien, suivant les replis d’une oreille slave, arrivèrent à l’endroit habituel où l’âme d’Olaf les accueillait pour les traduire en pensées, et y évoquèrent une sorte de mémoire physique ; leur sens apparut confusément à Octave ; des mots enfouis dans les circonvolutions cérébrales, au fond des tiroirs secrets du souvenir, se présentèrent en bourdonnant, tout prêts à la réplique ; mais ces réminiscences vagues, n’étant pas mises en communication avec l’esprit, se dissipèrent bientôt, et tout redevint opaque. L’embarras du pauvre amant était affreux ; il n’avait pas songé à ces complications en gantant la peau du comte Olaf Labinski, et il comprit qu’en volant la forme d’un autre on s’exposait à de rudes déconvenues.

Prascovie, étonnée du silence d’Octave, et croyant que, distrait par quelque rêverie, il ne l’avait pas entendue, répéta sa phrase lentement et d’une voix plus haute.

S’il entendait mieux le son des mots, le faux comte n’en comprenait pas davantage la signification ; il faisait des efforts désespérés pour deviner de quoi il pouvait s’agir ; mais pour qui ne les sait pas, les compactes langues du Nord