Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/119

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n’ont aucune transparence, et si un Français peut soupçonner ce que dit une Italienne, il sera comme sourd en écoutant parler une Polonaise. ― Malgré lui, une rougeur ardente couvrit ses joues ; il se mordit les lèvres et, pour se donner une contenance, découpa rageusement le morceau placé sur son assiette.

« On dirait en vérité, mon cher seigneur, dit la comtesse, cette fois, en français, que vous ne m’entendez pas, ou que vous ne me comprenez point…

― En effet, balbutia Octave-Labinski, ne sachant trop ce qu’il disait… cette diable de langue est si difficile !

― Difficile ! oui, peut-être pour des étrangers, mais pour celui qui l’a bégayée sur les genoux de sa mère, elle jaillit des lèvres comme le souffle de la vie, comme l’effluve même de la pensée.

― Oui, sans doute, mais il y a des moments où il me semble que je ne la sais plus.

― Que contez-vous là, Olaf ? quoi ! vous l’auriez oubliée, la langue de vos aïeux, la langue de la sainte patrie, la langue qui vous fait reconnaître vos frères parmi les hommes, et, ajouta-t-elle plus bas, la langue dans laquelle vous m’avez dit la première fois que vous m’aimiez !

― L’habitude de me servir d’un autre idiome… hasarda Octave-Labinski, à bout de raisons.