Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/124

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ouvrant le battant de la porte, annonça un visiteur.

« M. Octave de Saville. »

Quoiqu’il dût s’attendre un jour ou l’autre à cette rencontre, le véritable Octave pâlit à ces simples mots comme si la trompette du jugement dernier lui eût brusquement éclaté à l’oreille. Il eut besoin de faire appel à tout son courage et de se dire qu’il avait l’avantage de la situation pour ne pas chanceler ; instinctivement il enfonça ses doigts dans le dos d’une causeuse, et réussit ainsi à se maintenir debout avec une apparence ferme et tranquille.

Le comte Olaf, revêtu de l’apparence d’Octave, s’avança vers la comtesse qu’il salua profondément.

« M. le comte Labinski… M. Octave de Saville… » fit la comtesse Labinska en présentant les gentilshommes l’un à l’autre.

Les deux hommes se saluèrent froidement en se lançant des regards fauves à travers le masque de marbre de la politesse mondaine, qui recouvre parfois tant d’atroces passions.

« Vous m’avez tenu rigueur depuis Florence, monsieur Octave, dit la comtesse d’une voix amicale et familière, et j’avais peur de quitter Paris sans vous voir. ― Vous étiez plus assidu à la villa Salviati, et vous comptiez alors parmi mes fidèles.

― Madame, répondit d’un ton contraint le