Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/135

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Vainement Olaf s’efforçait d’atteindre son adversaire et risquait des bottes hasardeuses. Octave, plus froid et plus ferme, déjouait toutes les feintes.

La colère commençait à s’emparer du comte, dont le jeu devenait nerveux et désordonné. Quitte à rester Octave de Saville, il voulait tuer ce corps imposteur qui pouvait tromper Prascovie, pensée qui le jetait en d’inexprimables rages.

Au risque de se faire transpercer, il essaya un coup droit pour arriver, à travers son propre corps, à l’âme et à la vie de son rival ; mais l’épée d’Octave se lia autour de la sienne avec un mouvement si preste, si sec, si irrésistible, que le fer, arraché de son poing, jaillit en l’air et alla tomber quelques pas plus loin.

La vie d’Olaf était à la discrétion d’Octave : il n’avait qu’à se fendre pour le percer de part en part. ― La figure du comte se crispa, non qu’il eût peur de la mort, mais il pensait qu’il allait laisser sa femme à ce voleur de corps, que rien désormais ne pourrait démasquer.

Octave, loin de profiter de son avantage, jeta son épée, et, faisant signe aux témoins de ne pas intervenir, marcha vers le comte stupéfait, qu’il prit par le bras et qu’il entraîna dans l’épaisseur du bois.

« Que me voulez-vous ? dit le comte. Pourquoi ne pas me tuer lorsque vous pouvez le