Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/136

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faire ? Pourquoi ne pas continuer le combat, après m’avoir laissé reprendre mon épée, s’il vous répugnait de frapper un homme sans armes ? Vous savez bien que le soleil ne doit pas projeter ensemble nos deux ombres sur le sable, et qu’il faut que la terre absorbe l’un de nous.

― Écoutez-moi patiemment, répondit Octave. Votre bonheur est entre mes mains. Je puis garder toujours ce corps où je loge aujourd’hui et qui vous appartient en propriété légitime : je me plais à le reconnaître maintenant qu’il n’y a pas de témoins près de nous et que les oiseaux seuls, qui n’iront pas le redire, peuvent nous entendre ; si nous recommençons le duel, je vous tuerai. Le comte Olaf Labinski, que je représente du moins mal que je peux, est plus fort à l’escrime qu’Octave de Saville, dont vous avez maintenant la figure, et que je serai forcé, bien à regret, de supprimer ; et cette mort, quoique non réelle, puisque mon âme y survivrait, désolerait ma mère. »

Le comte, reconnaissant la vérité de ces observations, garda un silence qui ressemblait à une sorte d’acquiescement.

« Jamais, continua Octave, vous ne parviendrez, si je m’y oppose, à vous réintégrer dans votre individualité ; vous voyez à quoi ont abouti vos deux essais. D’autres tentatives vous feraient prendre pour un monomane. Personne ne croira un mot de vos allégations, et, lorsque vous pré-