Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/137

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tendrez être le comte Olaf Labinski, tout le monde vous éclatera de rire au nez, comme vous avez déjà pu vous en convaincre. On vous enfermera et vous passerez le reste de votre vie à protester, sous les douches, que vous êtes effectivement l’époux de la belle comtesse Prascovie Labinska. Les âmes compatissantes diront en vous entendant : « Ce pauvre Octave ! » Vous serez méconnu comme le Chabert de Balzac, qui voulait prouver qu’il n’était pas mort. »

Cela était si mathématiquement vrai, que le comte abattu laissa tomber sa tête sur sa poitrine.

« Puisque vous êtes pour le moment Octave de Saville, vous avez sans doute fouillé ses tiroirs, feuilleté ses papiers ; et vous n’ignorez pas qu’il nourrit depuis trois ans pour la comtesse Prascovie Labinska un amour éperdu, sans espoir, qu’il a vainement tenté de s’arracher du cœur et qui ne s’en ira qu’avec sa vie, s’il ne le suit pas encore dans la tombe.

― Oui, je le sais, fit le comte en se mordant les lèvres.

― Eh bien, pour parvenir à elle j’ai employé un moyen horrible, effrayant, et qu’une passion délirante pouvait seule risquer ; le docteur Cherbonneau a tenté pour moi une œuvre à faire reculer les thaumaturges de tous les pays et de tous les siècles. Après nous avoir tous deux plongés dans le sommeil, il a fait magnétique-