Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/171

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larges feuilles d’un vert métallique avec une vigueur de végétation tout africaine ; un grand pin parasol balançait son ombrelle, et c’est à peine si, à travers les interstices de ces frondaisons luxuriantes, l’œil pouvait démêler la façade de la maison brillant par plaques blanches derrière ce rideau touffu.

Une servante basanée, aux cheveux crépus, et si épais que le peigne s’y serait brisé, accourut au bruit de la voiture, ouvrit la claire-voie, et, précédant M. d’Aspremont dans une allée de lauriers-roses dont les branches lui caressaient la joue avec leurs fleurs, elle le conduisit à la terrasse où miss Alicia Ward prenait le thé en compagnie de son oncle.

Par un caprice très convenable chez une jeune fille blasée sur tous les conforts et toutes les élégances, et peut-être aussi pour contrarier son oncle, dont elle raillait les goûts bourgeois, miss Alicia avait choisi, de préférence à des logis civilisés, cette villa, dont les maîtres voyageaient, et qui était restée plusieurs années sans habitants. Elle trouvait dans ce jardin abandonné, et presque revenu à l’état de nature, une poésie sauvage qui lui plaisait ; sous l’actif climat de Naples, tout avait poussé avec une activité prodigieuse. Orangers, myrtes, grenadiers, limons, s’en étaient donné à cœur joie, et les branches, n’ayant plus à craindre la serpette de l’émondeur, se donnaient la main d’un bout de