Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/174

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jeunes gens, et tenailla la main de Paul de manière à lui mouler les doigts en creux les uns contre les autres, ce qui est la suprême expression de la vieille cordialité britannique.

Miss Alicia Ward appartenait à cette variété d’Anglaises brunes qui réalisent un idéal dont les conditions semblent se contrarier : c’est-à-dire une peau d’une blancheur éblouissante à rendre jaune le lait, la neige, le lis, l’albâtre, la cire vierge, et tout ce qui sert aux poètes à faire des comparaisons blanches ; des lèvres de cerise, et des cheveux aussi noirs que la nuit sur les ailes du corbeau. L’effet de cette opposition est irrésistible et produit une beauté à part dont on ne saurait trouver l’équivalent ailleurs. — Peut-être quelques Circassiennes élevées dès l’enfance au sérail offrent-elles ce teint miraculeux, mais il faut nous en fier là-dessus aux exagérations de la poésie orientale et aux gouaches de Léwis représentant les harems du Caire. Alicia était assurément le type le plus parfait de ce genre de beauté.

L’ovale allongé de sa tête, son teint d’une incomparable pureté, son nez fin, mince, transparent, ses yeux d’un bleu sombre frangés de longs cils qui palpitaient sur ses joues rosées comme des papillons noirs lorsqu’elle abaissait ses paupières, ses lèvres colorées d’une pourpre éclatante, ses cheveux tombant en volutes brillantes comme des rubans de satin de chaque côté