Aller au contenu

Page:Gautier - Œuvres de Théophile Gautier, tome 1.djvu/176

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Il était habillé des pieds à la tête, veste, gilet, pantalon et guêtres, d’une étoffe vigogne d’un gris vineux, et que le tailleur avait dû affirmer, sur son honneur, être la nuance la plus à la mode et la mieux portée, en quoi peut-être ne mentait-il pas. Malgré ce teint enluminé et ce vêtement grotesque, le commodore n’avait nullement l’air commun. Sa propreté rigoureuse, sa tenue irréprochable et ses grandes manières indiquaient le parfait gentleman, quoiqu’il eût plus d’un rapport extérieur avec les Anglais de vaudeville comme les parodient Hoffmann ou Levassor. Son caractère, c’était d’adorer sa nièce et de boire beaucoup de porto et de rhum de la Jamaïque pour entretenir l’humide radical, d’après la méthode du caporal Trimm.

« Voyez comme je me porte bien maintenant et comme je suis belle ! Regardez mes couleurs ; je n’en ai pas encore autant que mon oncle ; cela ne viendra pas, il faut l’espérer. — Pourtant ici j’ai du rose, du vrai rose, dit Alicia en passant sur sa joue son doigt effilé terminé par un ongle luisant comme l’agate ; j’ai engraissé aussi, et l’on ne sent plus ces pauvres petites salières qui me faisaient tant de peine lorsque j’allais au bal. Dites, faut-il être coquette pour se priver pendant trois mois de la compagnie de son fiancé, afin qu’après l’absence il vous retrouve fraîche et superbe ! »

Et en débitant cette tirade du ton enjoué et